Essay HORIKOSHI, Koïchi
Les archives de la famille Le Febvre de Laubrière à la bibliothèque de l’Université de Hitotsubashi
HORIKOSHI, Koïchi
(Professeur à la faculté d’Education de l’Université de Waséda à Tokyo)
La famille noble de Laubrière ou de L’Aubrière, et plus exactement Le Febvre de Laubrière, était établie en Anjou et en Bretagne et a compté parmi les plus honorables dès le xvie siècle; notamment on y rencontre une dizaine de conseillers au Parlement de Bretagne. Pourtant à propos de son histoire, il ne reste que des renseignements fragmentaires et dispersés, et en ce qui concerne les études généalogiques, il n’existe qu’un article de Gontard de Launay du xixe siècle1.
Selon cette étude qui se base sur des archives familiales, l’histoire de ce lignage remonte à Guillaume Le Febvre qui fit son testament en 1325, demandant d’être enterré dans l’église de la Roë2. Le nom de Laubrière, petit fief du bourg de la Roë, apparaît en 1372 quand un autre Guillaume Le Febvre donne à l’abbaye de la Roë la somme de « 20 sols de rente à prendre sur sa terre de Laubrière pour demeurer quitte du contenu du testament de Guillaume Le Febvre … de l’an 1325 »3.
A la suite d’acquisitions successives, les descendants de ces Le Febvre habitaient le manoir dit « de la Cour » au village actuel de Laubrières et, lors de l’érection de la paroisse de Laubrières en 1661, distraite de celle de Méral, ils donnèrent à la nouvelle paroisse le nom de Laubrières avec l’ancienne chapelle familiale comme église paroissiale4.
C’est Charles-François Le Febvre de Laubrière (né le 18 janvier 1688 et mort le 25 décembre 1738) qui forma la collection des vingt-sept volumes d’archives conservés depuis 1974 à la bibliothèque de l’Université nationale de Hitotsubashi à Tokyo dans la Collection de Burt Franklin (ms. 17 et ms.17-1 à 17-26).
Dans son contrat de mariage du 22 avril 1713 avec Anne-Marie de Blaire, Charles-François Le Febvre de Laubrière est dit comte de Méral et baron de La Haye-Joulain ; il est stipulé dans ce contrat que la future épouse devait avoir pour demeure le principal manoir de la terre de Laubrières, meublé convenablement. Après le décès de sa femme en 1718, Charles-François entra dans les ordres.
En mars 1725, il fit ériger sa seigneurie en marquisat de Laubrière comprenant les baronnies de La Haye-Joulain et de Briançon, les châtellenies de Beuzon, Sarrigné, Bauné et les terres, fiefs et seigneuries de Saint-Léonard, Fromentières, Mons, L’Epinière, Sacé, La Saullaye et Saint-Victor5. Toutes ces localités sont situées aux alentours d’Angers, surtout à l’est, dans le département du Maine-et-Loire, et non pas au voisinage de Laubrières, dans celui de la Mayenne. Laubrière (sans s final) n’en donna pas moins son nom au marquisat6.
En 1731, le marquis Charles-François Le Febvre de Laubrière devint évêque de Soissons, évêché qu’il conserva jusqu’à sa mort en 1738. Comme une dizaine de ses ancêtres, il fut aussi conseiller au Parlement de Bretagne. En outre il posséda une bibliothèque considérable7. Son goût pour les documents explique en partie son souci de classer les archives des seigneuries composant son nouveau marquisat. Les vingt-sept volumes des registres, sauf le ms. 17-208, furent reliés entre 1728 et 1737 et leurs couvertures portent les armes de la famille de Laubrière, d’azur à un lévrier passant d’argent accolé de gueules bouclé d’or9. De surcroît, le blason de onze volumes est décoré d’un chapeau ecclésiastique à large bord orné d’une cordelière à quatre nœuds, soit à dix houppes de même10. On ne sait pas la raison de ces quatre nœuds qui distinguent normalement un archevêque, alors que Charles-François était simplement évêque de Soissons.
A ces vingt-sept volumes, dont l’origine est bien établie, s’ajoute tout un fonds documentaire conservé aujourd’hui aux Archives départementales du Maine-et-Loire à Angers dans la série E 2 à E 101, qui concerne d’autres seigneuries du marquisat. On y trouve également les recettes de la seigneurie de La Saullaye dans E 1287 à E 1289, les aveux de la seigneurie de Beuzon dans E 1430 et, pour finir, dans 34 J un dernier fonds important, dit Fonds de la baronnie de Briançon et du marquisat de Laubrière. Il faut donc déchiffrer la totalité de ces archives pour connaître l’état des seigneuries qui composaient le marquisat en 1725 et leur histoire du xve jusqu’au xviiie siècle.
Les vingt-sept volumes (ms. 17 et ms. 17-1 à 17-26) se répartissent en deux groupes, relatifs l’un à la seigneurie de La Saullaye (ms. 17 et ms. 17-1 à 17-20) et l’autre à la châtellenie de Beuzon (ms. 17-21 à 17-26). Cette collection montre bien avec quelle ardeur Charles-François Le Febvre de Laubrière s’est efforcé (1) d’affermir les fondements juridiques de ses seigneuries et (2) la pratique sans à-coups de leur exploitation.
(1) La plupart des documents (ms. 17, ms. 17-1 à 17-4 et ms. 17-8 à 17-26) appartiennent les registres des assises et remembrances, des contrats d’acquêts faits dans l’étendue des seigneuries et des déclarations rendues aux seigneurs. Bien que le nom de Laubrière n’apparaisse pas comme celui du seigneur, ces documents concernent sans nul doute la formation du domaine de la famille. Ce sont des feuilles, soit de parchemin, soit de papier, et des cahiers, qui remontent jusqu’en 1372, illustrant bien qu’une seigneurie est un rassemblement de droits et de propriétés mineurs.
(2) En revanche, les ms. 17-5 à 17-7 sont des comptes de cens dus à la seigneurie de La Saullaye, soit aux ancêtres de Charles-François. Le registre 17-5 ayant été ouvert en 1450, on ajouta au moins jusqu’en 1464 des notes supplémentaires en marge qui montrent la continuité de la recette des cens. Il semble qu’à la différence des comptes royaux ou princiers, les comptes seigneuriaux n’étaient pas tenus chaque année. Du même type de document comptable, le ms. 17-6, rédigé vers 1569, comprend dans ses marges des mentions ajoutées jusqu’à 1648 ; on utilisa donc le même compte pendant près de quatre-vingt ans. Le ms. 17-7 est un « Papier censif et déclaratif de La Saullais [=Saullaye] » sur lequel on a encore porté la main après décharge de l’ancien fermier appelé « Monsieur de La Suardière, marchant fermier de Brianson [= Briançon] » en 1701; à cette époque la seigneurie était mise à forfait.
L’habitude a été prise, dans la seconde moitié du xxe
siècle, d’utiliser les registres de comptes pour étudier
l’administration et la fiscalité des principautés et du royaume de
France, mais, à son niveau, le régime seigneurial de la petite et
moyenne noblesse demeure encore mal connu. Des recherches sur le
marquisat de Laubrière, plus ou moins richement documenté par la
collection de l’Université de Hitotsubashi et par les séries E et J des
Archives départementales du Maine-et-Loire à Angers, ne manqueront donc
pas d’être très utiles.